Minarets: quand la Suisse traite les musulmans en Dhimmis

La Suisse vient de se prononcer en faveur d’un gel des constructions de minarets sur son territoire à la suite d’une campagne orchestrée par la droite décomplexée. Quels que soient les arguments d’une telle décision, force est de constater qu’elle nous renvoie aux riches heures du moyen-âge…musulman. C’est en effet vers 720 que le  Calife Omar  édicta une statut d’infériorité des juifs (considérés comme des « dhimmis ») qui leur interdisait, entre autres choses, de construire des synanogues « trop hautes ». Voici donc que nos islamophobes se mettent à ressembler à leurs adversaires. Nous vivons une époque moderne.

Le déficit commercial replonge…so what?

deficit3,4 milliards d’euros de déficit commercial en Août contre  « seulement » un le mois précédent.  Un article des Echos de ce jour présente les dernières estimations de l’INSEE qui enregistre une aggravation du déficit commercial après un mois de juillet dopé par des gros contrats d’équipements de transport. Or le creusement de ce solde n’est un mal lorsqu’il résulte d’ une reprise économique et que les importations repartent à la hausse.  Ce n’est pas encore le cas visiblement : par comparaison à août 2008  le déficit est moins important ce qui signifie que l’économie tourne toujours au ralenti (seulement 0,3% de croissance au troisième trimestre). On fêtera la reprise dès que nous referons « aussi mal » qu’avant la crise.

Ce dont la cagnotte scolaire est le nom

bonpointRécompenser des élèvespour qu’ils assistent aux cours ou encourager financièrement  les chômeurs à reprendre un emploi relèvent d’une même logique, celle  des « bonnes incitations » qui caractérise le néolibéralisme. De la même façon que le RSA indemnise (très) partiellement les salariés précaires pour qu’ils acceptent des emplois dégradés, la cagnotte scolaire est destinée à aider certains jeunes à supporter des cursus qu’ils n’ont pas forcément choisis ou qui ne débouchent pas sur grand chose. Faire entrer l’agent dans l’école ce n’est pas tant donner un prix au savoir qu’en quantifier son désagrément supposé. Un philosophe s’est amusé à calculer que chaque élève recevrait indirectement environ 30 par mois, ce qui d’une certaine façon montre que nos têtes pensantes néolibérales se font encore une haute idée du savoir. Faire fonctionner l’Etat social à moindre coût tel est le mot d’ordre. Plutôt que de verser une indemnité entière à un chomeur « oisif » on lui attribue 30% de cette aide à condition qu’il travaille. Plutôt que d’améliorer l’ordinaire de toutes les classes de lycées professionnels on accordera ici un voyage et là des places de foot aux classes méritantes. Ce serait amusant qu’à l’image de ces  salariés licenciés qui réclament 100 000 euros d’indemnités quelques lycées fassent grève pour réclamer un voyage à Bora-Bora.

C’est quand la reprise?

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On lira avec intérêt l’analyse de Patrick Artus. Les « garanties » en termes d’emploi et de salaires qu’ offre notre société en période de crise se paieraient d’une reprise plus lente. En effet on observe que l’emploi a réagi assez peu à la chute du PIB, ce qui entraine un déficit de productivité du travail (de l’ordre de 3%) qui pénalise la profitabilité des entreprises puisque dans le même temps les salaires ne diminuent pas. En somme nous vivons dans un pays « ennemi du risque » qui préfère limiter la casse en période de récession plutôt que préparer les conditions d’un vif rebond, semble nous dire Artus (n’est-ce pas rassurant à l’heure où l’on se pique de relativiser les indicateurs de richesse?). Mais puisqu’il faut attendre l’ajustement de la productivité pour que la croissance redemarre est-il possible alors de rêver d’un deuxième plan de relance?

Faut-il désennuyer les financiers?

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Entendre Jérôme Kerviel nous expliquer le caractère addictif du métier de trader nous a fait penser au portrait haut-en couleur que Thorstein Veblen fit du monde de la haute finance dans son livre « La théorie de l’entreprise » (1904). Voici un extrait du résumé qu’en donna Robert Heilbroner dans « Les grands économistes » :
« La science économique, c’est la production, et la production l’engrenage semblable à une machine de la société qui produit des biens. Cette machine sociale a naturellement besoin de surveillants, techniciens et ingénieurs, pour réaliser les ajustements nécessaires à la coopération des diverses parties (…). Comment l’homme d’affaires s’adapte-t-il dans ce schéma? car celui-ci ne s’intéresse qu’au profit, tandis que la machine et ses ingénieurs n’ont d’autre fin que la production de biens. Si la machine fonctionne bien et est bien réglée, quelle sera la place d’un homme dont le seul but est le profit? Dans l’absolu, il n’y en a aucune (…)
Ainsi l’homme d’affaires atteint-il son but, non pas dans le cadre de la machine sociale mais en conspirant contre elle. Sa tâche n’est pas d’aider à la fabrication des biens, mais d’interrompre le flot régulier de la production, afin de faire fluctuer les valeurs et de profiter de la confusion pour récolter un profit. Ainsi, grâce à la dépendance de l’appareil réel de production modiale, l’homme d’affaires construit une superstucture de crédits, de prêts et de capitalisation en trompe-l’oeil. En dessous de lui, la société continue dans sa routine mécanique; au-dessus la structure financière oscille et dérive. »
Le G20 ne devrait-il pas explorer les moyens de réenchanter le travail des banquiers pour nous éviter d’autres désagréments?

L’économie au prisme de pensée spinoziste

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Yves Citton et Frédéric Lordon réexaminent dans un papier inspiré et passionnant l’individualisme méthodologique, le rôle de la monnaie et la nature de la démocratie en s’appuyant sur une lecture des concepts de Spinoza. Pour tous ceux que la concurrence pure et parfaite leibnitzienne lasse un peu.

Au delà du PIB : la Commission Stiglitz-Sen-Fitoussi remet son rapport

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La Commission Stiglitz-Sen-Fitoussi n’a pas accouché d’un nouvel indicateur de richesse mais de pistes utiles pour une nécessaire réflexion. A la lecture du rapport de synthèse il apparaît que nous sommes moins riches que ne l’indiquent les statistiques du produit intérieur brut. Deux exemples : le produit intérieur est….brut ce qui signifie qu’il comprend l’usure du capital productif (à ce titre le PIB net serait 15% plus faible); il existe un écart entre le PIB et le revenu des ménages et plus encore celui du ménage médian qui correspond plus fidèlement au vécu des français. Que faire? D’une part continuer à améliorer le niveau de notre richesse marchande, surtout celle des plus modestes et d’autre part utiliser au mieux nos ressources pour obtenir de meilleurs résultats en termes de qualité de vie (environnement, santé, sécurité, convivialité…). Certains disent que la contestation du PIB serait un luxe de pays riche. Rien n’est plus faux. C’est aux deux extrêmes de la hiérarchie économique qu’un hiatus apparaît entre bien-être et PIB. On observe que certains pays parmi les plus pauvres atteignent des niveaux de développement assez élevés (mesuré par l’Indicateur de développement humain -IDH- d’Amartya Sen : PIB +éducation+espérance de vie) grâce à l’utilisation judicieuse de leurs ressources financières. Les voila plus « riches » que ne l’indique leur PIB…soyons aussi imaginatifs qu’eux.

Une mondialisation imaginaire?

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Un sondage réalisé l’année dernière indique que 41% (1) des Français sont favorables à la préférence nationaleen matière d’emploi (contre 61% en 1990). Pareille crainte que la main d’oeuvre étrangère exerce une concurrence déloyale et inopportune est d’autant plus absurde qu’un tel péril est imaginaire.

Imaginons que la mondialisation des flux de main d’oeuvre soit une réalité et que français et étrangers deviennent interchangeables aux yeux des employeurs. Le ”traitement de faveur” dont bénéficie toujours une population locale dans l’accès à l’emploi sur place serait aboli grâce à la suppression de toutes les barrières administratives, géographiques ou linguistiques. Dans ce cas limite, les chances qu’un français aurait d’être embauché localement ne devraient pas excéder celles qu’indique la proportion de nos compatriotes dans la population active mondiale (2) qui s’élève à un peu moins de 1%. Or 93,8% (3) de la population active vivant en France est de nationalité française, ce qui démontre l’existence d’une puissante préférence nationale en matière d’emploi. Grosso modo, les chances pour un étranger d’occuper un emploi à la place d’un français sont 100 fois plus faibles que dans le scénario d’un monde sans frontières. La proportion d’étrangers résidant en France étant la même qu’en 1930 alors que depuis cette date la population mondiale à été multipliée par 3, on se convaincra aisément que le degré de protection dont bénéficient les salariés français, du fait de leur nationalité, s’est bel est bien renforcé.

Cet “effet frontière“, qui illustre la permanence des nations et la spécificité de la main d’oeuvre française, ne constitue pourtant pas un instrument efficace de lutte contre le chômage. En travaillant à partir des données de l’OCDE (3) on remarque que le “degré de préférence nationale pour l’emploi” varie bien plus entre les pays que leur taux de chômage respectif. Si l’on ne retient que les pays de dimension comparable à la France on note qu’un “coefficient de protection” de la main d’oeuvre locale plus important ne se traduit pas par un chômage plus faible (Italie) et qu’une exposition plus forte à la concurrence étrangère ne rime pas avec plus de chômage (Royaume-Uni). La plupart des emplois occupés par des étrangers ne se substituent pas à ceux que possèdent les nationaux mais s’ajoutent à ces derniers. Comme les deux populations sont moins concurrentes que complémentaires sur le marché du travail c’est en créant plus d’emplois que l’on améliorera certainement le sort des nationaux.

(1) Enquête ARVAL réalisée tous les 9 ans. “Les Français sont de vrais libéraux” Louis Maurin. Alternatives Economiques, n°282, Juillet-Août 2009.

(2) La population active désigne le potentiel de main d’oeuvre d’une économie, c’est-à-dire les personnes en emploi ou au chômage.
(3)Chiffres 2002. voir “Les migrations dans les pays de l’OCDE“, Problèmes Economiques, n°2851, 2008.

Erosion de l’Etat social européen

Un économiste américain a mesuré l’évolution de la générosité des différents modèles de protection sociale européens entre 1971 et 2002. Dans son article (”The Generosity of social insurance in Europe“, 2006, Université du Connecticut) Lyle Scruggs travaille à partir de trois séries de données qui portent sur l’assurance chômage, la couverture maladie et les pensions de retraite dont il mesure le taux de prestation et de couverture ( proportion de la population qui bénéficie de ces dispositifs). Sa conclusion conforte les inquiétudes que nourrissent les européens (et particulièrement les français) quant à l’érosion progressive du “filet de sécurité” patiemment mis en place depuis la fin de XIXième siècle.

Les “quinze glorieuses” de la protection sociale (1971-1986) semblent révolues. En dehors des pays les plus libéraux (qui partaient de très bas il est vrai) l’Etat Providence recule partout et principalement dans les pays les plus protecteurs. L’Allemagne a cessé de jouer un rôle moteur et fait désormais jeu égal avec la France. Les modèles sociaux-démocrates du nord de l’Europe connaissent eux aussi une érosion significative. S’il ne s’agit pas encore d’un effondrement la situation a de quoi inquiéter nos concitoyens puisque notre modèle s’essoufle alors qu’il vient seulement d’atteindre le degré de couverture des pays nordiques…de 1971….tandis qu’un alignement sur le “moins disant social” britannique ramènerait la couverture sociale française plus de quarante ans en arrière.
Privée de ses principales locomotives, la protection sociale européenne résistera-t-elle à l’intégration des pays d’Europe de l’Est à bas salaires? Après l’intégration de la Bulgarie, de la Roumanie et des républiques Baltes, l’Europe connaît en son sein des différentiels sociaux qui pour la première fois dépassent ceux que l’on observe à l’intérieur des pays de l’OCDE. Le continent ne se singularise plus du reste des pays industrialisés par une convergence plus prononcée en matière de dépenses de protection sociale. Tandis que le modèle européen est mis sous tension on ne peut guère compter sur la social démocratie qui connait un recul électoral à peu près partout sur le continent…et qui n’a pas empêché les inégalités de progresser en Europe aussi vite qu’ailleurs. Emmanuel Wallerstein nous avait prévenu, une ”économie monde” capitaliste tire bénéfice des Etats quand ceux-ci démantèlent les barrières commerciales où protègent les droits de propriété mais elle se passe très volontiers de tout projet d’ unification politique et a fortiori sociale afin de conserver des occasions de profit…

Après le RSA le RMG ?

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“La logique qui consiste à fiscaliser tout ce qui, dans la protection sociale, ne ressortit pas à l’assurance résulte de l’évolution des sociétés salariales modernes. Il en résulte que les droits sociaux ne doivent plus prendre la forme dégradante de l’assistance et que l’aide aux entreprises (1) doit être remplacée par l’aide à la personne (…) Le temps est venu d’un projet politique qui engage une réforme radicale de la redistribution. Il s’agit d’instaurer un revenu minimum garanti, moyen économique des droits inconditionnels des citoyens. C’est un dispositif qui cherche à combiner l’efficacité et l’équité citoyenne. Les économistes ont souvent fait des propositions en ce sens (2).

L’avantage du revenu minimum garanti est qu’il procède d’une conception universelle de la fiscalité incitant à l’emploi au lieu de le décourager. Parce que le revenu est accordé à chaque personne en âge de travailler, il évite toute discrimination entre ceux qui sont assistés et ceux qui ne le sont pas. Parce qu’il est maintenu que l’on ait un emploi ou pas, il ne provoque pas de trappe de pauvreté. Enfin, ce revenu est une aide aux individus et non aux entreprises. Il corrige les inégalités résultants des différences de salaires et permet d’employer des travailleurs à faible qualification et basse productivité.

Le mécanisme de redistribution consiste à définir le montant d’un transfert forfaitaire sans condition de ressource. Corrélativement, on détermine un impôt à taxe uniforme et prélevé à la source sur tous les revenus, quelle que soit leur nature. Enfin, on y superpose un profil progressif par une surtaxe sur les hauts revenus. Le revenu minimum peut alors remplacer les transferts existants (allocations familiales et logement) qui lui sont inférieurs et réduit ces allocations du montant du revenu lorsqu’elles lui sont supérieures”

Michel Aglietta. Régulation et crises du capitalisme (1976). Postface de 1997.

(1) Subventions aux entreprises sous la forme de baisses de charges sociales sur les bas salaires.

(2)”Il est malicieux de constater que l’inventeur de la proposition est un économiste de droite : Milton Friedman. L’idée à été reprise dans une toute autre démarche par P. Van Parijs et tout un courant post-keynésien pour qui le développement de la productivité collective sépare complètement le revenu et le travail“. Note de M. Aglietta.